Je ne sais pas comment il s’y est pris pour mener a bien ses Douze Travaux d’Hercule, Hercule, mais je peux vous dire que nous nous en sortons beaucoup moins bien avec nos Deux Travaux: Cuisine et Salle de Bains. Tout devait etre regle en deux temps trois mouvements — debut des travaux le 4 aout, fin des travaux le 20 aout au plus tard, et hop, emballez c’est pese! Apres un an de discussions, de plans, de shopping, de paperasse, de revisions, et finalement d’autorisations de la copropriete, le plus dur etait suppose etre derriere nous – et tout devait aller tres vite.

Ahahahaha. Pas du tout. Les travaux ont effectivement commence le 4 aout, mais ont en revanche tres legerement depasse la date de livraison prevue puisqu’ils ont traine jusqu’au… ah oui c’est vrai: ils trainent toujours! Je vous epargnerai les details sordides et surtout totalement ininteressants du pourquoi du comment, mais voici en tous cas les lecons que nous aurons retenues de cette formidable aventure.

Lecon numero 1: Plus c’est petit, plus c’est complique

Les cuisines et les salles de bain de Manhattan sont reputees pour etre ridiculement petites. Il n’est pas rare de ne pas pouvoir ouvrir la porte du frigo et celle de la gaziniere en meme temps, par exemple, ou ouvrir la porte du frigo et bouger. Quand on voit le prix au metre carre, on ne se demande pas pourquoi. Or petite surface ne veut pas forcement dire petit projet — bien au contraire, au pays ou les gazinieres font la taille de deux voitures italiennes, trouver des elements de cuisine et salle de bain suffisamment petits (c’est a dire de taille normale pour un Europeen) devient un veritable defi. Quand en plus on essaie de trouver des elements de cuisine et salle de bain qui ne soient ni sur-dimensionnes, ni sur-designes, c’est Mission Impossible 4.

Du coup, toujours pleins de bonnes idees, nous nous sommes tournes vers des marques europeennes. Nous sommes alles acheter du petit a la source, quoi! Et hop, robinetterie Vola dans la salle de bain (Danemark, deux points, Denmark, two points), lavabo Lacava (Italie, un point, Italy, one point), robinetterie Kohler dans la cuisine (Autriche un point, Austria, one point), four et lave-vaisselle Smeg (Italie, quatre points, Italy, four points), etc.

Comment ca, la taille du tuyau d’arrivee de gaz n’est pas la meme? Comment ca, il faut commander… quelle piece deja? Comment ca, pas avant septembre parce que l’Italie est fermee en aout? Comment ca, le mitigeur ne passe pas dans le mur? Il faut remplacer quoi – toute la tuyauterie?…

Lecon numero 2: Le mieux est l’ennemi du mal

Ou du bien, je ne sais plus trop. Je reconnais volontiers qu’a vouloir trop bien faire on peut facilement transformer un projet sympa en cauchemar absolu, et je reconnais volontiers que j’ai une severe propension a la fixette. C’est pour ca qu’au boulot, on me trouve « detail oriented », que John me trouve « totally neurotic », et que les entrepreneurs m’ont trouve « total pain in the ass ». Tout ca parce que je leur ai poliment demande de retoucher quelques petits details, comme par exemple faire en sorte que la douche soit suffisamment grande pour qu’on puisse y entrer, ou finir le carrelage dans la salle de bain. Avec le bon carrelage, pas celui de la cuisine, qui etait prevu pour, euh, la cuisine. En fait. S’il vous plait. Monsieur le carrelagiste.

Le pire, c’est que nos Flash Gordon de la renovation, ces ingrats, n’ont meme pas conscience des efforts que j’ai fait pour ne pas 1) vomir de la bile partout sur leurs travaux a cause des ulceres et 2) leur imprimer tous les matins un fichier excel avec une liste de 3km de tout ce qui n’allait pas — des interrupteurs partiellement encastres dans le mur (un interrupteur qui flotte a 1cm du mur, c’est sympa aussi, non?) en passant par les joints dans la salle de bain qui varient en fonction de l’humeur, les seuils de porte colles de travers a la colle epoxy-pour-la-vie, ou encore les valves d’arrivee d’eau qui depassent de sous le meuble. Bref – un boulot de saguouin (c’est francais, « sagouin », en dehors du Parc Regional de Briere?) mais je me dis que ce n’est pas tres grave, qu’on a vu pire dans l’histoire du monde, comme par exemple l’extinction des dinosaures, les guerres de religion, la mort de Leo DiCaprio dans Titanic, et la confirmation par mes parents qu’effectivement il n’y a ni Pere Noel ni Petite Souris.

Lecon numero 3: never again!

C’est presque fini. Il nous reste quelques finitions – comme par exemple mettre une poignee sur la porte de la salle de bain, peindre l’encadrure de la porte de la cuisine, ou nettoyer a la main avec un « chiffon humide non pelucheux » les 60 feuilles du lustre qui a tres mal vecu les explosions successives de grenades au platre. Et apres, basta – plus jamais ca. Plus jamais de travaux lourds dans Manhattan (trop complique, trop cher — je pense qu’on aurait pu acheter l’Alsace et la Lorraine avec notre budget renovation), surtout pas dans un immeuble comme le notre (trop de paperasse, trop de restrictions — par exemple pas de livraisons ni de travaux pendant les fetes juives, qu’on soit juif ou pas evidemment), surtout pas avec des entrepreneurs qui habitent a 2 heures en voiture (qu’il faut soit loger, soit attendre a l’appart qu’ils se pointent pendant qu’ils klaxonnent comme des derates, violets de colere, dans les embouteillages du Holland Tunnel).

En conclusion, je dois reconnaitre que John merite les feliciations du jury pour avoir gere la plupart des travaux en direct (il devait etre a la maison a plein temps apres avoir demissionne, ca l’apprendra a ne pas tenir parole!) Sans lui, a l’heure qu’il est, on camperait sur la terrasse dans notre tente igloo Decathlon.

Recapitulatif en images… (si vous avez 3h a tuer, cliquez sur la premiere image de chaque gallerie pour l’agrandir, puis sur les fleches pour naviguer…)

Ben oui, tout ca pour ca.